Matthieu GILLES PHOTOGRAPHE
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Transpyrénéenne

Préambule : j'ai essayé de composer ce texte pour qu'il ne soit pas désagréable à lire pour des non-motards, mais cela reste un compte-rendu d'un roadtrip moto. Il en résultera forcément des passages où le contexte parlera plus aux avertis. Si vous voulez vous contenter des photos, allez directement en bas de page.
Par ailleurs, la narration n'engage que moi et mon niveau de poireau, il ne s'agit ici que de ma perception des choses. Et ce récit n'a aucun autre but que d'être récréatif, et peut-être vous donner envie d'aller vous promener un peu. Bonne lecture !


J'adore quand un plan se déroule sans accroc

L'idée du projet est née sur le groupe Facebook Trailistes, sous la forme d'une simple question :
« Est ce qu'il y'a des motivés pour se faire une transpy au printemps ? ».

La transpyrénéenne, pour te resituer le sujet, c'est le fait de traverser les Pyrénées d'un coté à l'autre. Et dans notre cas, en essayant de faire un majorité de piste en tout-terrain. Pour ajouter un peu de piment, nous y ajouterons un détour par le désert des Bardenas, lieu apprécié autant par beaucoup de motards que par les amateurs de photo, histoire de mélanger les plaisirs.

À force de temps et de discussions qui sentent bon la motivation et l'empressement, le projet se précise, l'équipe se complète pour atteindre 5 personnes. Pour présenter briévement les acteurs de cette aventure, serons présents dans cette aventure :
- Guillaume et son DR650 déja plein de boue
- Guilhem, et son KLE 500 chargé jusqu'à plus soif
- Matthieu et son antique Africa Twin RD04
- Nicolas et son DR650, en théorie
- Et moi-même sur mon impatiente 690 Enduro

Note : pour éviter les tournures gramaticales lourdingues à base de "Matthieu, pas moi, lui, l'autre". Toutes les mentions faites à « Matthieu » désigneront mon homonyme. Et tout ce qui me concerne sera sobrement désigné par « je/moi ». Merci cap'tain Obvious.

Le temps passe, les traces se préparent, on surveille d'un oeil inquisiteur la météo. Et puis le jour tant attendu pointe enfin le bout de son nez. Après tant d'échanges, de préparatifs et de réflexion, il n'y a plus qu'à rouler et profiter. Enfin ça, c'était ce que nous croyions.

Jour 0

Les différents protagonistes venant de toutes la France, le samedi sera dédié à une rébarbative phase de trajets autoroutiers. Guillaume part donc aux aurores de ses contrées nordiques pour me récupérer sur Lyon. Le trajet sera perturbé par quelques bouchons causés par des accidents, lesquels occasionneront un sympatique retard à l'arrivée sur Toulouse.
Il est 22h30, je fais la connaissance du deuxième membre de notre équipe, en la personne de Guilhem. Nous déchargeons les motos, savourons le gratin de pâtes qui nous attendait depuis un peu trop longtemps, et dodo.

Premier désagrément pour Nicolas qui est alors arrivé à Montpellier, sa moto montre des gros signes de fatigue au niveau de ce qui se révelera être un embrayage défaillant. Il rentrera donc chez lui le lendemain pour transférer ses bagages sur son Africa Twin CRF1000L pour nous rejoindre au camping vers Perpignan.

Jour 1

Le départ qui se voulait matinal pour avoir le temps de profiter des routes entre Toulouse et Argelès-sur-Mer se fera finalement en fin de matinée. Guillaume ayant eu besoin de se reposer de ses 1200km de la veille. Et Guilhem ayant eu besoin de mettre au point son équipement, de rajouter un collier colson ici ou là, et de charger un ou deux outils de plus.

Ce trajet se fera par de sympatiques petites routes, avec notamment un détour par la grotte du Mas-d'Azil, une route étonnante qui serpente sur quelques centaines de mètres à l'intérieur d'une grotte. Je tente une photo à l'entrée de celle-ci, mais il s'avère difficile de rendre grâce au coté insolite des lieux.

Nous rejoignions Matthieu dans la ville de Foix, et nous nous disons que ma foi, cette fois nous n'avons pas été très ponctuel, puisqu'il nous a attendu presque ... deux heures. S'en suivra un peu de bavardage, un peu de grignotage, et direction d'autres petites routes.
Nous arriverons au camping à 21h, retrouvons Nicolas qui complète ainsi l'équipe. Nous déposons nos affaires dans le bungalow de manière méthodiquement chaotique. Une pizza et dodo. Demain, l'aventure commence.

Jour 2

La piscine

Au réveil, nous débarrassons le bungalow pour charger nos montures. Pendant que Matthieu aide Guilhem à régler sa tension de chaîne, nous décidons dans un élan de non-solidarité d'aller profiter du jacuzzi du camping. Puis retour au bungalow, départ pour le supermarché afin d'acheter un pique-nique, ainsi que des câbles pour ma moto qui montre des signes de faiblesse au démarreur.

Nous prenons la direction de Collioure et commençons enfin à rouler sur les pistes. Guilhem, qui n'a pas encore d'expérience en tout-terrain, prend doucement ses marques. Les chemins sont chouettes, le terrain est sec, les panoramas sont enchanteurs. Nous croisons des 4x4 que nous aurons l'occasion de recroiser plusieurs fois durant notre périple. La pause repas se fait en bord de route, sous l'ombre d'un arbre. Décidément, si toute la semaine se passe ainsi, la traversée des Pyrénées sera un jeu d'enfant.

Début d'après-midi, nous choisissons de suivre la trace typée enduro mais annoncée comme roulante. Les premiers kilomètres se font dans des chemins sans difficultés, au milieu de la végétation, et d'étonnantes formations rocheuses.

Le toboggan

Et c'est au détour d'un chemin que se présente le premier obstacle un peu sérieux, sous la forme d'une descente assez ardue (les photos et vidéo ne rendent pas hommage à l'aspect abrupt du terrain). Nicolas qui ouvrait la route s'élance en premier, et passe l'ensemble sans donner l'impression de forcer, je m'élance ensuite sans trop de difficultés. Ce sera plus dur pour le reste du groupe qui n'est pas habitué à ce genre de reliefs et/ou est gêné par le poids des motos. On n'évoquera pas ici le nigaud (moi...) qui "juste pour voir" aura essayé de refaire le passage en montée.
À peine sorti de cet épisode qui nous aura donné quelques sueurs, nous tombons sur un gué qui enchaîne sur une montée. Rien de particulièrement difficile ici, mais c'est l'occasion pour certains d'expérimenter ce genre de passage.

Nous retournons ensuite sur des pistes plus roulantes, avec néanmoins l'orage qui se fait menaçant en arrière plan. En vrac, anecdotes : nous croiserons ici des vaches en liberté ; un terrain militaire nous obligera à rebrousser chemin sur une section ; nous ferons une pause pour faire le plein d'eau dans un village au calme imperturbable ; nous traverserons la Jonqueira, où stationnent nombre de camions, et passons devant un établissement au nom évocateur "Love Hotel", mouais bof, filons.

La douche

Puis en se rapprochant de la prochaine section de tout-terrain, les voila qui arrivent. Petit-à-petit. Discrètement. Et puis plus nombreuses. Plus grosses. De plus en plus nombreuses. En quelques minutes, l'orage qui était à l'affut depuis quelques temps nous a insidieusement rattrapé, et il nous innonde littéralement. Malgré des tentatives grotesques de se cacher sous les arbres, ou sous un talus, nous sommes finalement trempés en quelques minutes. Certains sont mieux équipés que d'autres, mais pour ma part je n'aurais plus une seule portion de textile au sec sur moi d'ici à la fin de la journée.

À l'occasion d'une pseudo accalmie, nous reprenons notre avancement. La piste serpente dans les hauteurs au milieu des bois. La terre a une étonnante couleur ocre par ici, l'esprit n'est alors pas complètement à la contemplation, mais cela n'empêche pas d'observer l'environnement.
Parlons-en de l'environnement, il évoque actuellement des paysages ravagés par la mousson, nous slalomons entre les ravines innondées, passons entre des flaques titanesques, passons sur des ponts recouverts par une quantité ahurissantes d'eau. Bizarrement, le ras-le-bol est presque compensé par le coté incongru de la situation. Je tiens ici à nuancer mon propos, puisque notre ami nordique se sent ici parfaitement dans son élément.

Nous arrivons finalement dans le village d'Albanya, à une distance trop peu éloignée de notre point de départ. Guilhem qui parle mieux que nous espagnol négocie une nuit dans un bungalow pour nous, auprès d'une gérante qui nous prend un peu en pitié.
Le temps que le logement soit prêt, nous discutons avec des français qui ont leur résidence dans ce camping. Mais le temps paraît long, il fait froid, nous sommes mouillés. Lorsque le logement est finalement prêt, nous rentrons dans le camping en traversant le chantier en cours à l'entrée, tout en priant pour que les moults fers à béton qui jonchent le sol épargnent nos roues.

Nous investissons les lieux, transformons l'endroit en un séchoir géant, où la moindre opportunité de faire sécher un vêtement est exploitée.
Pizzas, bières, et dodo, demain ça ira forcément mieux. Forcément.

Jour 3

Ce matin, en guise de petit déjeuner, point de viennoiseries mais des gants passés au micro-onde. Tout n'a pas seché durant la nuit, et l'enfilage des tenues s'avère inconfortable. Guillaume et Nicolas s'attèlent au démarrage de la moto de Guilhem qui n'a pas aimé l'humidité. Puis nous décidons, afin de compenser le retard pris la veille, de nous octroyer une passionnante matinée de route entrecoupée d'autoroute.

Avec néanmoins un peu de tout-terrain ! À nous de sympathiques pistes forestières. Nous aurons bien quelques surprises, mais qui relève du courant dans cette discipline, à savoir une route barrée par des travaux, des reconnaissances à faire pour éviter de s'aventurer dans des sections trop techniques avec les grosses motos (je confesse en avoir aussi un peu profité pour ouvrir les gaz). Ce sera d'ailleurs l'occasion d'échanger avec un couple de français en 4x4 que nous avions croisé la veille, et qui nous offre un verre de jus de fruit. Encore merci !
Encore quelques kilomètres de pistes très ludiques, et direction l'autobeurk pour avancer rapidement.

Une fois sorti de l'autoroute, un peu avant midi, alos que nous sommes arrêtés pour faire le plein d'essence, nous constatons qu'au loin le mauvais temps est de retour, pour nous jouer un mauvais tour. Nous ne nous attardons pas, et nous engagons sur une petite route. Mais nous n'irons pas loin sur ce chemin, et faisons demi-tour prestement alors que l'orage commence à nous abreuver à nouveau copieusement.
Nous trouvons piteusement refuge sous un auvent d'usine, avec l'accord d'un salarié qui nous explique que tant que « no truck, no problem ». Chouette, c'est toujours ça de pris. Notre pique-nique du jour se fait donc en borde de route, proche des salariés qui travaillent, avec des bourrasques de vent qui chassent régulièrement la pluie sur nous, et une délicate odeur d'huile pour agrémenter le tout. On n'est pas loin de la carte postale idyllique des vacances en Espagne.

Après ce qui semble une éternité, la pluie finit par se calmer, laissant même poindre quelques morceaux de ciel bleu, et nous reprenons la route. Théoriquement la piste n'est pas loin. Nous allons enfin pouvoir nous défouler et rouler un peu ! Sauf que non.

Alors que nous avions parcouru l'équivalent d'un grooos kilomètre, et nous étions rendus au point où l'orage nous avait surpris. Je m'aperçois que Guillaume qui ferme la marche n'est plus derrière moi. Je le retrouve debout, au bord de la route, l'air lassé et dépité. Un coup d'oeil rapide à sa roue arrière et le verdict tombe : crevaison.

Nous voici donc parti pour un changement de pneu en bord de route. Ne nous attardons pas sur l'écrou de roue serré de manière indécente, sur les démonte-pneus qu'on tordra au remontage du pneu (désolé), ou sur le fait que ce fichu MT21 nous aura donné bien du fil à retordre. Voyons plutôt le positif : il ne pleut pas durant cet épisode.

Nous suivrons ensuite une portion de route, et bifurquons sur la trace du TransEuroTrail, ou TET pour les intimes.

Maudit canadien

L'entrée de cette section aurait du nous mettre la puce à l'oreille. Sur une portion vaguement bitumée, nous tombons nez-à-nez avec un passage canadien. Nicolas s'engage en premier et nous indique que les rouleaux sont humides et glissants. Matthieu qui le suit alors, choisit donc de passer par le portillon qui est dans le prolongement. Mais le terrain est gras, et sa moto est lourde, il chute, et termine sur les rouleaux du fameux passage canadien. Hélas, ses doigts n'en sortiront pas indemnes, le jugement est sans appel : entorse.

Les autres motos passent tant bien que mal, et nous continuons sur ce chemin. Mais pas pour très longtemps. Après une courte pause, et surtout la traversée d'une grosse flaque d'eau, Guilhem ne parvient pas à redémarrer. Moto qui s'arrête dès qu'il passe une vitesse, un bon vieux classique. Les outils sont de sortie, Nicolas shunte le relai de béquille, et c'est reparti.

Je suis pas venu ici pour souffrir, ok ?

Prenons le temps de resituer un peu le contexte, il s'avérera que nous nous sommes engagés dans une section que nous découvrirons plus tard être assez discutée sur les groupes de discussion du TET. Si celle-ci se fait assez aisément avec des motos légères et un chouilla d'expérience, elle n'est par contre pas très accessible aux motos d'un poids certains. Est-il besoin de rappeler que nous avons avec nous une moto avec des pneus inadaptés à ce genre de terrain (pour cause d'embrayage récalcitrant sur l'autre moto), une personne qui s'est fait mal juste avant, et un jeune qui fait du tout-terrain depuis seulement deux jours ?

Inutile ici de rentrer dans les détails. Je suis pour ma part passé en premier, profitant du poids réduit de ma moto. Dans la foulée j'aide Guillaume qui n'est pas très familier de ce genre de chemins pierreux. Et ensuite, nous voila parti pour un gros chantier d'aménagement du terrain pour faciliter la montée des pachytrails. Les sangles seront nécessaires, et l'épuisement commencera à se faire sentir.
Au final, il nous aura fallu près de 3h pour parcourir la bagatelle d'un kilomètre. Avec le recul, nous n'aurions pas du nous engager dans cette section, ou alors en envoyant une moto légère en reconnaissance. Mais ça, c'est qui se nomme l'expérience. Nous serons plus prudents une prochaine fois.

Et maintenant, au dodo ! Ah. Non ?

Le hic à ce point de la journée, c'est que tous ces imprévus nous ont pris du temps. Trop de temps. Nous voila à Camprodon, les supermarchés ferment, les campings et hotels sont soit pleins, soit injoignables. Pendant que Guillaume et Nicolas vont en reperage dans un camping, Matthieu et moi partons tels les chasseurs des temps modernes en quête de nourriture. Le choix se montrera assez réduit, puisque seul un bar est ouvert, et il propose une grande gamme de ... six pizzas. Parfait ! Ça ne fera que la troisième fois en trois jours.

Pendant ce temps, Guillaume et Nicolas sont de retour. Ils ont trouvé un camping qui semble ouvert, mais pas tant que ça. L'idée initiale est d'y camper puis de régulariser notre situation le lendemain. Mais quelque chose cloche, pas moyen de trouver un gardien ou un propriétaire, et le camping semble fermé la semaine. L'idée de se faire tirer du lit par un gérant en colère ou la guardia ne nous enchante guère.
Guilhem qui est le seul à parler la langue, malgré une volonté infaillible, continue à essuyer les refus des établissements aux alentours. Finalement, Matthieu et Guillaume qui étaient partis en repérage vers un autre camping nous annoncent qu'ils ont trouvé un endroit pour planter la tente. Ce que nous ferons à la lumière des lampes frontales.

La journée se termine sur une grosse fatigue, une douche chaude réparatrice, des pizzas froides.
Et maintenant dodo, demain ça ira forcément mieux. Forcément.

Jour 4

Disons l'entrée de jeu, ce n'est pas la journée la plus trépidante. Le lever est tardif pour se remettre des émotions de la veille, ainsi que du coucher qui s'est fait à une heure de la nuit assez avancée. Les doigts de Matthieu n'ont pas désenflé. Quelques coups de téléphone plus tard, et le voila parti direction le médecin, lui et la moto seront rapatriés par son assurance. Dommage qu'il n'ait pu finir l'aventure avec nous :(

Nous ne nous berçons pas d'illusions quant à la traversée complète des Pyrénées. Nous n'avons à ce stade pas parcouru suffisament de kilomètres, ce n'est plus un objectif raisonnablement atteignable. La stratégie est donc ajustée, autant concentrer le programme sur les Bardenas plutôt que de risquer l'accident à vouloir rouler trop fort sur les pistes, ou avaler trop de bornes sur des voies rapides. Et pourtant, de la voie rapide, il y'en aura déja trop ce jour là. Si les pachytrails n'en souffrent pas trop, Guillaume et moi ne sommes pas spécialement dans notre élément sur les voies rapides, vu la protection inexistante de nos machines contre le vent. Trépidante journée vous dis-je.

Et parce que, tout de même, la guigne n'est pas loin. La pluie nous rattrapera en fin de journée. Dommage, les routes redevenaient amusantes ! C'est ainsi que nous nous prendrons un énième orage, nous obligeant à nous réfugier dans un abribus. Lequel orage frappera encore quelques dizaines de minutes plus tard alors que nous arrivons au camping proche de Tremp. Afin de s'assurer qu'une fois de plus, nous sommes bien complètement mouillés.
Là, le bungalow est d'une vétusté sans nom, l'électricité est inquiétante, la douche a tôt fait de transformer la salle de bain en pataugeoire géante, les lits sont d'un autre age. Mais au moins, nous avons un endroit pour dormir.

Quand on arrive en ville ...

La soirée sera plus apaisante. J'enfile des vêtements secs (ô bonheur), tant pis pour les équipements de sécurité sur ce coup là. Et nous nous rendons à moto dans le centre de Tremp pour nous ravitailler, et allons nous installer dans un restaurant nommé Tapes i vins.

La fréquentation est amusante, oscillant entre le bistrot et le PMU. À la lecture de la carte, et devant la pléthore de mots inconnus, le choix s'impose à nous sous forme d'assortiments. Nous restons cependant sur notre faim, et décidons de commander un hamburger chacun. Quoi de plus standard et international qu'un hamburger, à ce qu'on croit comprendre de l'explication de la serveuse, il y'a du pain, de la viande... ouais, un hamburger quoi. Je n'aime pas spécialement jeter de la nourriture, mais ce qui nous est servi est assez improbable, une demi-baguette avec des ingrédients plus gras et surprotéinés les uns que les autres. Mauvais choix, on aurait du rester sur les tapas.

Retour au camping par une petite route, l'air est frais, c'est vivifiant. Ça parle organisation pour le lendemain, je confesse m'être assoupi avant le reste de l'équipe, la digestion sans doute. Demain, le réveil est à 6h pour profiter de la journée.
Et maintenant dodo, demain ça ira forcément mieux. Et là, on va se régaler.

Jour 5

Spoiler alert : cette journée se passera bien, on l'a mérité. La météo est engageante, nous nous levons tôt et partons vite pour en profiter. Direction le lac de barrage de Sant Antoni, à quelques encablures seulement de notre camping. Nous empruntons une piste qui serpente le long du lac. La vitesse y est limitée, mais cela ne sera pas vraiment un problème. Nous profitons du décor, la lumière du matin sculpte à merveille les paysages, au loin nous apercevons les sommets enneigés. Quelques photos, et on repart s'amuser un peu sur la piste.

Vient le moment de tracer par la voie rapide. Encore une fois, l'autopurge se révèle d'un intérêt très limité. Chaque kilomètre parcouru se montrant aussi stimulant et riche d'expérience qu'une journée passée à compter manuellement le nombre de grains de riz présents dans un restaurant de sushis.
Saluons tout de même Guillaume qui tentera d'apporter un peu d'animations à cette portion de route, puisqu'il sortira de l'autoroute en raison d'un sac dont l'attelage donne des signes de faiblesse. Cela donnera lieu à une drôle d'exercice afin de savoir comment se retrouver. « Tu as vu passer un camion bleu avec des sangles qui claquent ? Y'a combien de temps ? Ah ok, donc vous devez être à peu près par là ! ». Bien essayé, mais la distraction est de courte durée.

Mais tant qu'à parler de Guillaume, je pense qu'un aparté est nécessaire ici pour parler de sa moto. Si j'ai eu l'occasion d'entendre par le passé des pots pétarader, je pense que nous avons affaire ici à une catégorie bien à part. Imaginez que vous entriez dans un tunnel, votre instinct pavlovien de motard se manifeste, et vous accélérez pour faire ronronner votre moteur, un grand classique. Mais c'est là, alors que vous arrêtez les gamineries et que votre esprit revient dans des bonnes dispositions, que vous l'entendez. Un « PAF ! » tonitruant, sec et agressif venu d'un autre monde. Un coup d'oeil à nos motos, merde, vu le boucan c'est sur que j'ai cassé quelque chose sur ma bécane. PAF ! Un deuxième. Et vous comprenez alors que Guillaume roule sur ce qui s'approche le plus du pétard à mèche géant. Si la chose passe inaperçue sur route, l'effet est saisissant avec la réverbération sonore des tunnels. Une légende locale raconte même que des gens auraient appelé la police pour signaler des coups de feu suite à son passage.

Encore des bornes insipides, un petit radar déclenché pour faire fonctionner l'économie locale, et nous nous arrêtons pour manger au milieu des plantations de pèches, pas encore mûres, hélas. Le vent souffle fort, mais il commence à faire chaud, on en profite pour faire un peu sécher les affaires encore humides de la veille. Bières, chips, pâté et autres victuailles collectées le matin. Et nous reprenons la route, les Bardenas ne sont pas loin. Quelques dizaines de kilomètres sous un vent qui souffle fort et sans relâche. Un Guilhem qui roule de biais tant le vent a de prise sur sa moto. Et nous y voila !

Les bardenas

La piste couramment empruntée dans le désert des Bardenas s'étend sur une trentaine de kilomètres. La région tout entière donne l'impression d'un grand bac à sable. Au sens figuré tout d'abord, je pense qu'en tant qu'amateur de photographie, je pourrais passer une journée complète ici sans me lasser des lieux. Nous y avons fait des pauses photos, plus que sur le reste de ce voyage.
Et un bac à sable au sens propre également, puisque les pistes sablonneuses donnent la curieuse impression de rouler sur une surface qui se dérobe sous les roues. Au détour de certains virages, nous avons parfois profité de certaines pistes à la visibilité dégagée pour nous amuser un peu avec nos montures. Sur la seconde partie de la boucle, nous retrouvons le vent qui souffle maintenant de face. L'impression de rouler dans une tempête de sable est à s'y méprendre.

Je n'ai aucunement l'idée du temps que nous y avons passé. J'ai lu récemment que la réputation de l'endroit était surfaite, les lieux trop fréquentés pour en profiter vraiment. Honnêtement, allez vous faire votre avis par vous même. Je pense que la géographie de l'endroit est suffisamment unique pour qu'elle mérite que vous vous forgiez votre opinion. Pour ma part, j'ai adoré. Avec le vent qui levait la poussière et rendait la perception des choses encore plus épique, j'en garde un souvenir oscillant entre les images qu'on voit sur le Dakar, et certaines scènes du dernier Mad Max. Sans doute est-ce une vue de l'esprit enjolivée, mais je n'ai nullement envie de chercher à rétablir la vérité. J'ai vraiment apprécié le moment, et je tiens à en garder ce souvenir.

Vamos à l'Anzanigo

Le retour se fait paisiblement via les petites routes de campagne. Globalement, les routes que nous avons emprunté étaient en bon état. Celle qui finira la journée est d'un niveau proche de la perfection : bitume parfait, petites courbes rapides, vue superbe, en bref une très belle façon de finir cette journée. Signant au passage le fait que j'adore cette moto, j'aurais pris aujourd'hui autant de plaisir sur les pistes sablonneuses que sur les petites routes.

Le camping où nous dormons est un repaire de motards. Toute la déco est orientée sur ce thème : des murs du bar, jusqu'au parc de jeu pour enfants. La soirée se passera sous les meilleures augures. Repas servi à table, quelques discussions avec un autre groupe de motards français qui y avait élu son camp de base pour la semaine.

Et maintenant dodo, demain on rentre en France.

A ce qu'il paraît, le petit déjeuner est le repas le plus important de la journée. Autant dire qu'après les grignotages des jours précédents, voire les absences complètes de petits déjeuners, celui qui sera servi au camping Anzanigo fera office de festin. Pas pantagruélique, pas démesuré de variété. Juste des choses bonnes, simples, accompagnées d'un bon café.

Direction ce qui sera la dernière section de tout-terrain de ce voyage. L'idée est de profiter de la falaise du Foz d'Escalete pour faire quelques photos et rushs vidéos. L'endroit est assez vertigineux, en contrebas la rivière coule plusieurs mètres en contrebas. Un rapide échange avec adeptes d'escalade français nous confirmera d'ailleurs que l'endroit semble réputé.

Nous prenons ensuite la piste qui mène au mirador de los Buitres. Par sécurité, nous gardant un certaine réserve sur le rythme adopté puisque nous croisons plusieurs marcheurs. La vue de la falaise est très plaisante, avec des légères nuances rougeoyantes. D'autres dans le groupe se concentreront plutôt sur la vue de trois demoiselles pratiquant l'escalade. L'un de nous allant même jusqu'à en profiter pour travailler sa pratique de l'espagnol.

Puis encore des pistes, parcourues à un rythme un peu plus élevées. Un curieux passage canadien surélevé, qu'on passera sans heurts mais avec une touche d'appréhension au vu des éléments passés. Et nous revoilà pour de bon sur des portions bitumées. La fin de notre boucle du matin repasse par la route empruntée la veille le long du lac. L'occasion de constater que malgré les pneus à crampons l'Africa Twin et le 690 ne sont pas en reste face à un groupe d'allemands en routières qui resteront derrière nous.

La pause du midi se fera dans un petit restaurant de bord de route, principalement fréquenté par des ouvriers du chantier d'à coté. L'accueil se fera par un monsieur d'un age certain à l'air farouche de prime abord, qui se déridera légèrement lorsqu'il constatera que nous ne sommes que de gentils motards aux manières courtoises. Le repas se fera néanmoins sous l'oeil inquisiteur de l'ancêtre situé à l'étage, persuadé de ne pas être vu à travers sa petite lucarne.
Mais il aurait été dommage de s'arrêter à ces détails, puisque les bocadillos servis trouveront assez facilement estomacs à leur gout. D'ailleurs, un tournée supplémentaire de bocadillos au chorizo sera commandée. Accessoirement, les bocadillos sont se simples sandwiches, mais admettez que ça sonne tout de suite plus exotique, non ?

Le trajet pour regagner la France se fera tantôt par des voix rapides inintéressantes, tantôt par des petites routes. Nous nous ferons dépasser par un groupe conséquent de supermotards. Note pour moi-même, il faudra un jour que je prenne l'occasion d'exploiter correctement les jantes en 17" que j'ai acheté avec la moto.

Une halte avant la frontière pour que les autres membres du groupe puissent faire le plein de spiritueux, et acheter de quoi remercier les parents de Guilhem pour leur accueil généreux. Un passage par le tunnel d'Aragnouet, où les pétarades de la moto de Guillaume feront garder leur distance à un groupe de motards désireux de conserver leurs tympans. Et finalement sur la partie française nos derniers kilomètres emprunteront de l'autoroute, des nationales désespérément droites.

That's all folks !

Nous conclurons ce voyage par une rétrospective photo, une bonne façon de revisualiser tous les éléments de ce voyage condensé en émotions. Parce que oui, des émotions il y en aura eu : de la lassitude face aux pluies successives, de l'épuisement sur la portion technique du troisième jour, de l'impatience lorsque nous ne parvenions pas à trouver un consensus sur l'endroit où dormir ce même jour. Mais finalement, n'est-ce pas de tout cela que naissent les souvenirs. Et est-ce que ça n'a pas un peu aussi contribué à donner de la saveur à cette fabuleuse fin de semaine ? Au final, demeure une seule question : on repart quand, bordel ?

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